Interview du Dr Catherine Faucher - Février 2024

Docteur catherine faucherInterview du Dr Catherine Faucher, hématologue, Directrice Prélèvement et Greffe de Cellules Souches Hématopoïétiques à l’Agence de la biomédecine, réalisée le 6 février 2024 à St Denis

Jean-François : Docteur Faucher, pouvez-vous nous expliquer ce qu’est la moelle osseuse et pourquoi elle est vitale ?

Docteur Faucher : La moelle osseuse, présente au centre de nos os, est responsable de la formation des cellules souches hématopoïétiques. Ce sont elles qui produisent l’ensemble de nos cellules sanguines :

  les globules rouges, qui transportent l’oxygène

  les globules blancs, qui luttent contre les infections

  les plaquettes, qui arrêtent les saignements

 La moelle osseuse est donc indispensable à la vie. Son dysfonctionnement provoque les maladies graves du sang.

 Vous devez également savoir que la moelle osseuse n'a rien à voir avec la moelle épinière, une idée reçue encore trop fréquente !   On les confond souvent alors qu'elles ne se trouvent pas du tout au même endroit et n'ont pas les mêmes fonctions.

 

Jean-François :  Quelles maladies peuvent être traitées grâce à une greffe de moelle osseuse ?

Docteur Faucher : En France, chaque année, des milliers d’adultes et d’enfants sont atteints de maladies graves du sang (leucémies, lymphomes, aplasie médullaire), de pathologies génétiques ou métaboliques (déficit immunitaire, adrénoleucodistrophie, drépanocytose…) parce que leur moelle osseuse ne fonctionne plus ou mal.

2000 d’entre elles ont besoin d’une greffe de cellules de moelle osseuse saines pour espérer guérir.

Jean-François : A quoi sert le registre des donneurs de moelle osseuse ?

Docteur Faucher : Pour qu’une greffe de moelle osseuse soit possible, il faut trouver un donneur compatible HLA (antigènes d'histocompatibilité humaine), ce qui est rare. Lorsqu’un médecin considère qu’une greffe de moelle osseuse est indiquée pour son patient, il inscrit celui-ci sur un fichier géré par l’Agence de la biomédecine.

Dans 3 cas sur 4, le patient n’a pas de donneur compatible au sein de sa fratrie. Le médecin greffeur doit alors chercher un donneur non apparenté au sein du registre des donneurs volontaires de moelle osseuse, également géré par l’Agence de la biomédecine et interconnecté avec les 73 autres registres internationaux.

Jean-François : Comment se passe un don de moelle osseuse ?

Docteur Faucher : Une fois inscrit sur le registre des donneurs de moelle osseuse, on ne vous recontactera que si vous êtes identifié comme compatible avec un patient.

Il existe 2 méthodes pour le prélèvement de cellules souches hématopoïétiques. Chacune permet de recueillir un type de greffon différent correspondant et c’est le médecin qui optera pour la méthode de prélèvement la plus appropriée, dans l'intérêt du patient.

Dans 80% des cas, les prélèvements se font par prélèvement dans le sang, un peu comme un don de plaquettes. Quelques jours avant le don, le volontaire reçoit un médicament par injection sous-cutanée qui sert à stimuler la production des cellules de la moelle osseuse et à les faire passer des os vers le sang. Le jour venu, on réalise un prélèvement qui dure environ 4 heures.

Et dans 20% des cas, on prélève la moelle osseuse et son milieu environnant par ponction dans les os postérieurs du bassin. Cette intervention sous anesthésie générale est simple et ne présente aucun risque de paralysie !

Jean-François : Les critères pour devenir donneur de moelle osseuse sont-ils différents de ceux pour donner son sang ?

Docteur Faucher : Oui, en partie. Pour pouvoir s’inscrire comme donneur volontaire de moelle osseuse il faut bien sûr être en bonne santé (un questionnaire doit être rempli) et avoir entre 18 et 35 ans inclus au moment de l’inscription et accepter de réaliser un prélèvement salivaire ou d’une prise de sang pour établir son typage HLA.

Etre inscrit sur le registre des donneurs, c’est un engagement dans la durée (jusqu’à ses 60 ans), pour un jour peut-être donner un peu de sa moelle osseuse à un patient que l’on ne connaîtra pas mais avec lequel on sera compatible.

Jean-François : Quels profils de donneurs de moelle osseuse sont particulièrement recherchés ?

Docteur Faucher : Afin d’augmenter les possibilités de greffe et de donner les meilleures chances de guérison à tous les patients, il est nécessaire de poursuivre le développement quantitatif et qualitatif du registre des donneurs de moelle osseuse avec l’inscription annuelle d’au moins 20 000 nouveaux donneurs âgés de 18 à 35 ans, tout en augmentant la proportion d’hommes (ils ne représentent que 34% des inscrits sur le registre mais 70% des donneurs prélevés) ainsi que la diversité génétique des profils (la compatibilité HLA dépend en partie de l’histoire génétique sur plusieurs générations).

Jean-François :  Comment les bénévoles de nos associations peuvent-ils contribuer à enrichir le registre des donneurs de moelle osseuse ?

Docteur Faucher : La présence de bénévoles au contact de personnes potentiellement donneuses est une chance. C’est l’occasion de pouvoir leur expliquer de vive voix l’importance que revêt le don de moelle osseuse pour des milliers de malades en France et dans le monde, et bien sûr éliminer immédiatement l’idée reçue numéro un : non, ce n’est pas la moelle épinière et on ne vous fera pas de ponction dans la colonne vertébrale ! Il ne faut pas hésiter à inciter les 18-35 ans à se renseigner sur le site de référence www.dondemoelleosseuse.fr où ils trouveront de nombreuses informations dont des témoignages de donneurs.

Dans un second temps, les bénévoles peuvent proposer aux personnes qui leur semblent suffisamment informées et motivées de faire leur demande d’inscription en ligne. On compte sur chaque préinscrit pour aller au bout de la démarche !